Survêt’, baskets et anonymat pour une embauche ! Peut-on recruter sans donner la primeur au CV ?
À un moment où la recherche de talents est devenue la préoccupation première des entreprises, certaines n’hésitent pas à bousculer les codes pour recruter autrement et cela passe parfois par le sport. Une méthode peu traditionnelle où le CV, les diplômes comptent beaucoup moins que le savoir-être professionnel.
Le sport comme outil pour détecter les qualités des demandeurs d’emploi ? Une méthode proposée de plus en plus par les agences Pôle emploi, notamment de Joué-lès-Tours et de Saint-Pierre-des-Corps. Stéphanie BULTE-MÊME et Laurent COULON*, respectivement directeurs. Les agences Pôle emploi font le pari du recruter autrement avec « Transformez l’essai ».
Une idée simple : demandeurs d'emploi et recruteurs vont se retrouver anonymement sur le terrain de rugby pour s'entraîner ensemble. Après les épreuves sportives, demandeurs d’emploi et employeurs se rencontrent de façon nominative pour un entretien de recrutement.
Janvier 2019, Rugby et Job dating se déroulaient au stade Albaladéjo, avec le soutien de l’USJR, du club d’entreprises partenaires, et de la ville de Joué-lès-Tours. Une dizaine d’employeurs ayant des postes à pourvoir dans de nombreux secteurs (travaux publics, l’hôtellerie, commerce de gros, services à la personne, bâtiment, transport, propreté, gestion de patrimoine) ont joué le jeu et étaient présents sur le terrain. Près d’une cinquantaine de candidats ont participé à ce job dating en survêt’.

Pourquoi révéler des talents par le sport ?
Stéphanie Bulté-Même : L’idée est de casser les codes pour que les demandeurs d’emploi et les employeurs se rencontrent sur un terrain différent de nos pratiques habituelles.
Laurent Coulon : Les valeurs de l’entreprise et les valeurs du sport sont les mêmes : cohésion, esprit d’équipe, solidarité. On souhaitait qu’ils se rencontrent d’une façon originale. On a commencé par une initiation au rugby d’une heure, constituée d’équipes mixtes demandeurs d’emploi et entreprises.
Stéphanie Bulté-Même : On ne sait pas Qui était Qui. Demandeur d’emploi, employeur ou agent Pôle emploi. Personne ne se connaissait. Après le match, les rendez-vous se sont faits dans une salle où les demandeurs d’emploi et les employeurs se sont aperçus qu’ils étaient dans la même équipe.
Laurent Coulon : ça casse un peu les barrières car sur le terrain tout le monde était en survêtements, et baskets à jouer ensemble, ce qui a fait tomber les barrières. Les barrières du costume, de la cravate, de la tenue professionnelle.
René, demandeur d’emploi : C’est une bonne idée car on est dans un climat totalement différent d’une salle chez Pôle emploi, d’un job dating relativement carré. Là c’est beaucoup plus joyeux. Il y avait des entraîneurs, des agents Pôle emploi, des candidats, des recruteurs, on ne savait pas qui était quoi. Après on s’est aperçu que la personne à qui on a donné notre CV était quelqu’un à qui on a passé le ballon. Comme le disait un des entraîneurs, les valeurs du travail et les valeurs du sport sont un peu les mêmes. Il y a de l’entraide, de la communication, du respect, quel que soit l’âge de la personne, son origine. On arrive à faire des équipes, à faire quelque chose au rugby, dans tous les sports et dans le milieu du travail c’est pareil. Il faut de la communication, du respect, une personne arrive et c’est la personne avec qui vous allez travailler, à qui vous avez passé le ballon.
TECHNITOIT, employeur : L’idée est très bonne. Elle donne une autre image du recrutement. On a rencontré un candidat qui est venu se présenter pour un poste de poseur applicateur, il a fait l’initiation au rugby juste avant. On l’a senti très détendu et c’est ce que l’on recherche chez les candidats, qu’ils nous montrent leur personnalité.
MERCURE, entreprise : L’idée d’associer le sport, vecteur de bonne dynamique avec les valeurs communes au milieu professionnel marche. On retrouve le besoin d’une bonne cohésion, d’une bonne communication. Dans le sport, on est habillé de la même façon : basket, survêt, le critère de supériorité du recruteur n’existe plus. On s’est vu sur le terrain donc l’échange est plus facile, plus sympathique.

Stéphanie Bulté-Même et Laurent Coulon : L’action sport-emploi est inscrite dans notre stratégie locale. Idée ? Réaliser d’autres actions sur le thème du sport et emploi. Après le rugby, viendront tout au long de l’année, la boxe, le football, le badminton. Les résultats s'avèrent au rendez-vous. Une douzaine de recrutements a été effectuée, principalement pour Leclerc, Mercure et Technitoit. On a bien transformé l’essai.
*Laurent Coulon, directeur du pôle emploi de Tours Ronsard depuis le 2 mai 2019.