| « La politique RSE des entreprises entre dans une nouvelle dimension »
« Depuis trente ans, le nombre d’étudiants en situation de handicap n’a cessé de progresser (passant de 3000 à 12000). Pourtant, la proportion de chômeurs dans cette population a atteint des niveaux records (22%). Pour briser ce « plafond de verre », il faut analyser les blocages qui empêchent notre société d’être inclusive et faire sauter les verrous qui empêchent d’ouvrir la porte du marché du travail ordinaire.
Comme toute personne valide, l’accès au travail dépend du niveau de compétence, de diplômes et d’expérience. Malgré les efforts réalisés par les universités et les écoles d’enseignement supérieur, il faut solutionner deux obstacles : la mobilité et le logement. Le trajet domicile-travail est souvent un véritable parcours du combattant : bus, métro, taxi, gare ne sont pas tous aux normes et la défaillance d’un maillon peut détruire un effort individuel. L’autre élément d’inclusion est le logement. Adapté ou adaptable, leur nombre et leur qualité sont très variables d’une commune à l’autre.
Candidater à un poste nécessite un accès rapide à un espace de vie relié au site de travail. Toute cette chaîne peut se mettre en place à condition d’avoir le temps de la prospection et de la mise en place. Pour toutes ces raisons, le projet HUGo a recueilli immédiatement mon adhésion. La mise en place d’un cursus de formation bac+5 se ferait en alternance en lien avec des entreprises engagées. L’idée est de repérer les talents dans le domaine de l’informatique, l’électronique et l’électrotechnique, leur donner une formation initiale orientée vers les besoins réels des entreprises concernées. Durant leur formation, les futurs diplômés, peuvent approfondir leur recherche de lieu de vie et de transport de façon sereine.
Le projet HUGo n’est pas un dispositif mettant l’assistanat en valeur, au contraire. La sélection des étudiants est réelle et exigeante. Former des salariés à un niveau Ingénieur atteste de la volonté des entreprises d’avoir recours à des personnes qualifiées et d’un « retour sur investissement ».
La politique RSE des entreprises entre ainsi dans une nouvelle dimension : faire avec et non pour les personnes handicapées, non pour une compassion malsaine et inopérante mais parce qu’elles y trouvent un intérêt économique. C’est pour accompagner cette « révolution » des représentations que j’ai accepté de parrainer la première promotion qui m’a fait l’honneur de me solliciter. »
Jean-Christophe Parisot de Bayard Préfet en mission de Service public chargé de la lutte contre l’exclusion |

Le préfet Jean-Christophe Parisot de Bayard, entouré par les étudiants de la première promotion
HUGo, un cursus d’exception en école d’ingénieur
Les postes d’ingénieurs informatiques sont difficiles à pourvoir. Parallèlement les entreprises qui recrutent majoritairement des profils très qualifiés (Bac+4), n’arrivent pas à atteindre les objectifs de leur politique RSE et ne répondent pas à l’obligation légale d’emploi des personnes en situation de handicap.
Forts de ce constat, Capenergies et un collectif d’entreprises de haute technologie, ont imaginé, avec l’Agefiph, le projet HUGo (Handi U Go !), la première formation diplômante d’ingénieur informatique en alternance dédiée aux personnes en situation de handicap. Elle est assurée par Polytech Marseille.
Pôle emploi, associé à ce projet contribue au sourcing des alternants. En janvier 2017, la première édition de cette formation, d’une durée de deux ans, a démarré.
Un projet innovant et ambitieux, mené par l’Agefiph, de grandes entreprises de la région et Capénergies
« L’Agefiph a pour mission stratégique de répondre au mieux et au plus près des besoins des entreprises », explique Patricia Marenco, déléguée régionale de l’Agefiph PACA Corse (Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées). « Lorsque les chargés de mission handicap des entreprises de la région sont venus nous trouver et nous ont fait part de leur difficulté à recruter des professionnels bac + 5 répondant à l’obligation d’emploi des personnes handicapées, nous nous sommes mis autour de la table. Ensemble nous avons élaboré un projet « sur mesure » : une action de formation d’ingénieur informatique en alternance en partenariat avec Polytech Marseille. Le projet HUGo est né.
Capenergies, premier Pôle de compétitivité avec lequel l’Agefiph a signé une convention pour sensibiliser les entreprises à l’emploi des personnes handicapées a accepté de devenir le porteur du projet HUGo. L’Agefiph s’est aussi naturellement tournée vers Pôle emploi pour sourcer les candidats potentiels.
Nous avons mobilisé l’ensemble des partenaires, des dispositifs et des aides pour accompagner au mieux les entreprises et les alternants. A titre d’exemple, l’aide à l’aménagement de la situation de formation pour des postes de travail adaptés aux besoins du stagiaire. Nous avons également accompagné les entreprises en activant le dispositif « Themis », afin de faciliter l’intégration de l’alternant et la compréhension des problématiques liées au handicap.
La première édition du projet HUGo était un défi, une réelle innovation et une expérimentation difficile à mettre en place, face à la variété des cultures des différents acteurs. Ça fonctionne : la deuxième promotion a démarré le 10 septembre, avec une dimension d’inclusion affirmée. »
Vers un projet durable
Carol Bezombes, référente Handicap Capenergies complète : « le Pôle s’engage pour sensibiliser des entreprises à l’employabilité des travailleurs handicapés. Nous travaillons en partenariat avec l’Agefiph pour informer les membres du Pôle et les aider à établir des diagnostics qui répondent à leur politique RSE. Concrètement, nous gérons les fonds versés par l’Agefiph pour les redistribuer aux entreprises dans le cadre de l’accompagnement dont elles bénéficient. Soumis aux règles des marchés publics, nous avons également passé les marchés pour trouver l’acteur académique, Polytech Marseille, et pour l’assistance à maîtrise d’ouvrage, assurée par Peggy Montero (FPM Conseil).
Nous nous sommes appuyés sur Pôle emploi qui a dédié un référent à ce projet, parallèlement aux services RH des entreprises que nous avons mobilisées pour accueillir les premiers alternants. La collaboration que nous menons avec Pôle emploi va au-delà du sourcing. Par exemple, forts de l’expérience de la première promotion, nous avons travaillé en binôme pour faire émerger les compétences des candidats, pour les aider à préparer leurs entretiens, mais aussi pour détecter des profils potentiellement recherchés par les autres adhérents du Pôle Capenergies, que nous pourrions également aider à obtenir des expertises complémentaires en fonction de l’évolution des besoins des entreprises.»
Un programme très exigeant
Le cursus HUGo correspond aux 4èmes et 5èmes années du cursus ingénieur informatique de Polytech.
« L’accès à HUGo est extrêmement sélectif » explique Alain Samuel, responsable de la formation. « Pour poser leur candidature, les futurs élèves doivent présenter un niveau supérieur ou égal à un Bac+4 scientifique, ou bien un niveau Bac+2/3 possédant une solide expérience professionnelle en informatique. Ces profils sont encore rares, parce que ce sont souvent des personnes qui ont été freinées dans leur cursus antérieur.
Les entreprises partenaires du programme sont très motivées, car accueillir un alternant HUGo demande un investissement plus important que l’accueil d’un élève ingénieur en cursus classique.
Nous avons très peu de recul, la première promotion prendra fin en janvier 2019. Tous ceux qui suivent ce programme accomplissent une démarche remarquable. Sur les 10 étudiants de la première promotion, 3 ont décidé d’interrompre leur cursus : ils ont trouvé un CDI au cours de la formation, ce qui, à leurs yeux, était encore plus important que le diplôme d’ingénieur informatique. »
Participer au programme est une réelle opportunité d’accès à l’emploi.
Une expérience positive
Patricia Di Jorio, responsable RH chez SII, membre du collectif d’entreprises HUGo, raconte : « Brice Figuières, ex-ingénieur en physique nucléaire, souhaitait infléchir son parcours. Il a découvert cette formation chez Pôle emploi et a été sélectionné pour suivre le cursus. Nous l’avons recruté en alternance.
Accompagné par un tuteur technique et un tuteur RH, il poursuit un parcours qui va le conduire à acquérir la connaissance des différentes phases de gestion d’un projet et à gagner en autonomie pour trouver les solutions adaptées aux problématiques posées, en étroite relation avec le déroulement de son cursus d’ingénieur informatique.
Parallèlement, il dispose chez SII de tous les outils de formation internes. Avec l’aide d’un ergonome, nous avons aménagé son poste de travail et son véhicule a été adapté aux trajets quotidiens Aix-Marseille. Tous les 15 jours, nous faisons le point avec lui, en relation avec Polytech".

De gauche à droite : Pierre Jacolin, Directeur des opérations SII Aix-en-Provence et tuteur, Amélie Pillot, Responsable Relations Sociales et Mission Handicap groupe SII, Brice Figuières, alternant HUGo 1, Patricia Di Jorio, Responsable Ressources Humaines SII Aix en Provence.
« C’est une chance immense ! »
C’est ainsi qu’Anne-Béatrice Perrault, élève de la première promotion HUGo qualifie ce cursus. Et elle ajoute : « je suis en reconversion professionnelle. Ces études exigent des contraintes très fortes ; il faut s’investir et être soutenu, maîtriser les aléas personnels et logistiques, mais ça en vaut la peine. En effet, dans cet univers, l’expérience ne suffit pas, on ne peut pas obtenir de poste d’ingénieur informatique sans le diplôme correspondant.».
La deuxième promotion HUGo démarrera à Marseille le 10 septembre 2018. Le projet va bientôt essaimer à Sophia Antipolis en coopération avec l’université de Nice.